Jeanne D’Arc

Domremy ne fut pas, comme on l'imagine, un recoin perdu, isolé du reste du monde. La grande voie romaine de Langres à Verdun par Neufchâteau, Vaucouleurs... y passait, en suivant la rive gauche de la Meuse, au bas du château de Bourlémont et du Bois-Chenu. Le village, dans la partie où se trouvent la maison de Jacques d'Arc et l'église, en prenant la direction de Neufchâteau, dépendait de la prévôté de Gondrecourt en Barrois, qui était de la mouvance de Lorraine, mais dont le roi de France était suzerain, depuis l'hommage consenti par le comte de Bar au roi Philippe le Bel, en 1301. Jeanne était donc née Lorraine et Barrisienne, mais sujette du roi de France, Charles VII.

Au pied du Bois-Chenu où Jeanne venait faire paître ses bêtes, la Meuse étire son ruban d'argent, tantôt luisante et claire, tantôt à demi voilée sous la trame légère des saules et des peupliers.

Aux premières pentes, des champs ondulent, parsemés, à mi-côte, d'arbres fruitiers; de-ci de-là, quelques vignes au petit vin clairet; enfin, couronnant la colline, un bois de chênes, jadis robuste, aujourd'hui simple taillis em­broussaillé.

De là, le regard descend vers la vallée. Point de ces aspects grandioses qui, dans nos montagnes, étonnent et troublent; mais des sites familiers, des contours adoucis, rien de dur ni de heurter, une nature fraîche, aimable, reposante, laissant dans les yeux et le souvenir une image qui ravit. Au loin, les collines mou­tonnantes s'allongent sur la riante coulée de la rivière, que dominent les tours moyenâgeuses du manoir de Bourlémont.


(1)C’est au Bois-Chenu, au pied de l’arbre des Fées, que Jeanne la Pucelle entendit des voix célestes.


Il y avait, à la lisière du Bois-Chenu, un grand et beau hêtre, connu dans le pays sous le nom de Beau-May, arbre des Dames, ou arbre des Fées; une fontaine claire filtrait non loin de là, et, un peu plus bas, s'élevait un modeste oratoire, l'Ermitage de Sainte-Marie. Tous les ans, au dimanche de la mi-carême, très populaire en Barrois, Béatrix de Bourlémont, fidèle à antique usage, se rendait sous le hêtre où l'on faisait, de compagnie avec les gens de Domrémy, un repas champêtre.

La jeunesse chantait, courait, dansait autour du vieil arbre, et l'on allait se désaltérer à la fontaine. Jeanne y vint souvent avec ses amies. Mengette l’une d'elles, raconte qu'elles faisaient des guirlandes et cueillaient des fleurs cham­pêtres pour les offrir à Notre-dame de Domremy; on les suspendait aussi aux branches de l'arbre; elles y restaient, ou on les emportait.

Mais les anciens du village prétendaient le Beau-May hanté par les fées. Peut-être l'Ermitage de Sainte-Marie eut-il pour but de mettre fin à cette croyance superstitieuse, survivance de traditions celtiques éloignées.


Porte de la Maison de Jeanne d’Arc.

Les accusateurs de Jeanne lui re­procheront d'avoir trempé dans cette superstition. Vinrent les Sué­dois (nos alliés): ce furent partout, en Lorraine, des dévastations inouïes (1635-1640); le Bois Chenu fut brûlé, le Hêtre abattu, la chapelle réduite en un tas de décombres que l'on appela le Pierrier de la Pucelle. Quelques vestiges ont été retirés des ruines, en 1869: une basilique s'élève à la place de l'Ermitage Sainte-Marie de la Pucelle.

Des hauteurs de Domremy s'aperçoit le confluent du Vair dans la Meuse. Entrée dans le département qui lui emprunte son nom, la rivière baigne Pagny-la-BIanche-Côte, Maxey où se présente la Vaise, Vaucouleurs qui se vante d’avoir, la première, accueilli la bergère de Domremy . C’est par la porte de France que Jeanne sortit, en belliqueux appareil pour aller à Chinon, trouver Charles VII. J Cl Jaillard  : décembre 2004